... qui se modelait en fonction de chacun4. Blanc, rouge, noir ou pâle, il correspondait successivement aux pensées des élèves. Les uns l'avaient imaginé avec une épée, ...il avait une épée, les autres avec un arc, ...il avait un arc.
« De toute façon il veut que nous soyons ses serviteurs. Je ne vois pas pourquoi faire, dit Rémi. »
Quelques temps s'étaient écoulés depuis ces apparitions et chacun essayait d'oublier la soirée qui en avait choqué plus d'un. Rémi, lui, avait un comportement incompréhensible et de plus en plus agité. Il n'arrêtait pas de dire qu'il était le Cavalier et il ne permettait plus aucune remarque, même de ses professeurs. A l'internat, on s'était rendu compte qu'il était subitement devenu un réel danger pour la communauté de l'établissement, mais ce n'était rien en comparaison du jour où il avait failli étrangler un de ses camarades de jeu pendant l'heure de sport.
« Ce n'est plus possible, avait dit le directeur, il faut le faire voir par un médecin psychiatre et le faire interner si cela est nécessaire. »
Une commission de discipline s'était réunie après l'incident. Après avoir longuement délibéré, Rémi fut introduit dans le bureau du directeur.
« Mon cher Rémi, dit ce dernier, nous avons constaté la dégradation de votre comportement depuis que vous êtes ici. Et ce matin, vous avez voulu étrangler un de vos camarades. Sans l'intervention de votre professeur, vous l'auriez certainement tué. Qu'est-ce qu'il se passe mon garçon ?
- Je n'accepte pas qu'on me tienne tête !
- Et pourquoi donc ?, demanda le médecin psychiatre qui avait été convoqué pour l'occasion.
- Je suis intouchable, je suis le Cavalier Pâle.
- Comment ça, vous êtes le Cavalier Pâle ? Vous vous prenez à votre propre jeu. Vous êtes dans un rôle, tout cela n'est pas sérieux. Vous le comprenez bien, n'est-ce pas ? Pour l'instant, je qualifierais votre comportement de léger dédoublement de personnalité. Mais ce n'est rien de grave mon garçon. Nous allons parler un peu et vous verrez que tout rentrera dans l'ordre dès que vous aurez repris confiance en vous.
- Non..., non le Cavalier est en moi... Je suis le Cavalier...»
Rémi marqua un temps d'arrêt comme s'il hésitait à poursuivre. Soudain ses yeux se voilèrent et sa voix changea pour devenir plus rauque.
« Je suis le maître des lieux ! Je suis attaché à ses pierres, et nul ne peut rien contre moi ! »
Puis il se retourna vers la porte entrouverte au fond du bureau et s'engouffra dans l'escalier qui montait en colimaçon dans la tour.
Des cris d'élèves attirèrent le médecin, le directeur et les professeurs hors du bureau pour se précipiter dans la cour où tous avaient les yeux rivés vers le campanile. Rémi était déjà parvenu jusqu'au sommet et se penchait en avant les bras écartés.
« Nul ne peut rien contre le Cavalier !», hurla-t-il, ... et il se laissa basculer en avant pour rebondir sur la toiture où son corps désarticulé comme une marionnette roula pour finir sa course quelques mètres en contrebas dans la cour.
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romeo-joan-ecrivain, Posté le lundi 12 avril 2010 13:04
c'est haletant